18 mai 2015

Transition énergétique : il faut libérer l’initiative

Métier/Fonction immobilière

2015 est-t-elle l’année qui marquera le passage à l’acte en matière de transition énergétique ? Si tous les acteurs appellent de leur vœu ce changement, la France en accueillant la COP 21 en novembre à Paris et en adoptant son projet de loi sur la transition énergétique se positionne, en tout cas, en représentant investi sur la scène internationale… Mais la volonté – qu’elle soit politique, économique ou citoyenne – est-elle suffisante aujourd’hui pour embrasser l’ensemble des défis écologiques que pose ce début de XXIème siècle et sauver notre planète ? Cette question embarque tous les acteurs de la société, mais il serait vain de croire que tous ont les mêmes moyens et la même capacité d’intervention pour « changer le cours des choses ». Mon propos se focalisera ainsi sur l’acteur qu’est l’entreprise. Et, dès lors que l’on considère les émissions de gaz à effet de serre (GES) comme provenant à 23% du bâtiment, il se bornera à l’immobilier. Quels sont alors les enjeux que pose la loi sur la transition énergétique pour ce secteur d’activité ? L’industrie immobilière dispose-t-elle de tous les leviers pour engager, à son niveau, cette transition écologique de la société ?

environmental-protection-683437_1280En se référant au rapport d’inventaire annuel des émissions de GES de l’Union Européenne, rédigé par l’Agence Européenne pour l’Environnement, il semblerait que oui. En effet, « les émissions de l’Union Européenne en 2011 sont inférieures de 18 % au niveau mesuré en 1990. Et en 2012, les émissions de la France au périmètre du protocole de Kyoto représentaient une diminution de 12% par rapport au niveau de référence. »*.

 Nous devons ces bons résultats, un peu à la crise économique, mais aussi aux deux moteurs, détectés par l’entreprise, que sont l’innovation et la conviction. D’abord, l’innovation de rupture mise au service – au nom de la RSE – de la conviction qu’il y a urgence à agir, mais aussi la conviction que nous sommes entrés dans l’ère de l’anthropocène et qu’il appartient plus que jamais à l’Homme, par son comportement quotidien comme stratégique, de suivre les préconisations des écogéologues. Toutes les études le montrent aujourd’hui, les plus fortes économies d’énergies dans le bâtiment sont le résultat d’une modification comportementale des utilisateurs (occupants et exploitants). Les chartes d’engagement volontaires illustrent parfaitement cette conscience.

 Il serait toutefois illusoire de considérer que l’objectif est atteint. L’industrie immobilière regarde avec objectivité cette réalité. Au-delà de ces chiffres encourageants, nombre d’interrogations questionnent notre modèle qui, in fine, n’aurait pas trouvé les ressorts pour inscrire la transition énergétique dans la performance durable. La période dans laquelle nous inscrivons nos activités est, comme la loi éponyme l’indique, une transition, il nous faut donc avoir une vision de long terme. Force est de constater que le caractère normatif du cadre dans lequel elle s‘opère ne permet pas d’adopter une posture de management par l’objectif au-delà de l’imposition des voies et moyens pour atteindre les objectifs fixés conjoncturellement.

Il s’agit d’un processus comportemental à maturation lente qui doit baser sa réussite sur des démarches d’accompagnement au changement. Si les fondamentaux de cette transformation des usages sont posés, il faudra nonobstant en définir les outils, et en accepter leur temps d’amorçage, tout en renforçant le cadre de dialogue entre l’ensemble des parties prenantes.

 Et si finalement, le levier ultime de la réussite de la transition énergétique résidait dans la redéfinition et l’acceptation d’une nouvelle relation bailleur-preneur, où la valeur est définie par l’utilisateur ?

 Aujourd’hui, les grandes entreprises sont engagées dans des démarches forgées au gré des ambitions responsables. Elles contribuent en cela fortement à modifier les comportements. Pour être efficace, cette politique ne peut être décorrélée du rôle incombant à l’investisseur. Ce rôle est certes d’investir, mais l’investissement a aujourd’hui de la valeur parce qu’il correspond aux besoins de l’utilisateur. La transition énergétique n’est plus un point clivant entre le bailleur et le preneur aujourd’hui. Elle est devenue le prétexte à l’instauration d’un dialogue ouvert qui, dans les faits, conduit à transformer le bail en un contrat de prestation de services bien plus en phase avec la réalité des besoins conjoints.

 Reste toutefois un obstacle majeur à considérer pour concevoir une transition énergique totale. Si nous reconnaissons tous l’effort fait sur les constructions neuves et l’investissement des grands acteurs sur ces questions, il est désormais essentiel de répondre aux problématiques que posent la rénovation du parc ancien, l’implication des TPE-PME dans la démarche et le choix des modèles économiques viables et supportables pour l’ensemble des acteurs concernés. A titre d’illustration, 70% du parc en m² est possédé par des « petits » utilisateurs. L’approche économique – d’ailleurs trop souvent reléguée au second plan – pour cette population est d’autant plus cruciale que l’investissement demandé peut impacter directement l’équilibre économique. La réglementation ne peut rester sourde à ces enjeux, qui, s’ils ne sont pas appréhendés, risquent d’handicaper la démarche de transition énergétique. Une des pistes à explorer serait peut-être, là encore (et nous en revenons au point évoqué plus haut) de laisser une place à l’initiative et notamment à celle de territoires pour définir des objectifs (notamment en matière de mutualisation sur leur périmètre) et non obéir à des cadres d’actions dictés.

 Le Plan Bâtiment Durable, en plaidant pour un « droit souple », en favorisant les démarches d’adhésion volontaire (charte tertiaire) a largement contribué à la mise en mouvement des .acteurs de l’immobilier. Le groupe RBR 2020-2050, qui réfléchit à l’avenir avec une posture prospective, plaide quant à lui, rapport après rapport, pour l’ouverture de territoires d’innovation et d’expérimentation où la réglementation serait « desserrée » pour laisser place à l’initiative et à l’évolution. Ceci a existé dans le passé (Plan construction – REX).

 Souhaitons qu’en cette année de COP 21, les pouvoirs publics ne demeurent pas sourds à cette proposition. L’industrie immobilière, les territoires, ont à la fois la capacité et la force d’innover pour peu qu’ils se trouvent libérés du carcan trop étroit des règles qui ne peuvent anticiper l’avenir au rythme nécessaire.

* Source : inventaire France, périmètre Kyoto, CITEPA/MEDDE, soumission CCNUCC, avril 2014

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