9 décembre 2022

Réindustrialiser la France, les propositions de l’ADI

Lu dans la presse

operations immobilières


Article de Anne-Charlotte Gonauer

9 décembre 2022

A plusieurs reprises au cours de la campagne électorale ou lors de discours, Emmanuel Macron a affirmé vouloir réindustrialiser la France. L’Association des directeurs immobiliers (ADI) prend part au débat sur la réindustrialisation et fait 12 propositions concrètes. Elles sont le fruit d’ateliers réunissant des directeurs immobiliers de grandes entreprises, de PME et d’ETI, ainsi que des experts, et visent à accélérer la nécessaire réindustrialisation de la France.

Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité de réindustrialiser le pays, de manière durable et écologique. La perte massive d’emplois, la dépendance de l’économie notamment en matière énergétique, révélée par la guerre en Ukraine ou la crise sanitaire, ont largement fait prendre conscience aux décideurs, institutionnels et économiques, les atouts d’une industrie forte. Mais comment faire après quatre décennies de désindustrialisation ?

À l’occasion d’un de ses petits déjeuners, l’Association des directeurs immobiliers (ADI) a présenté ses 12 propositions concrètes issues du travail de ses membres. Au cours d’une table ronde réunissant Juliette Borie, directrice de l’immobilier et des services généraux chez Groupe Renault, Christophe Chauvet, directeur associé chargé du développement chez Elcimaï, Gilles Crague, directeur de recherche au laboratoire Cired, école des Ponts-Paristech, Fabien Guisseau, directeur général adjoint au développement économique et aux partenariats stratégiques chez Grand Paris Aménagement, et René Jeannenot, directeur associé chez BNP Paribas Real Estate, il a été tracé des pistes de travail pour mettre l’immobilier d’entreprise au service de la réindustrialisation.

« Ton avenir sera hors de l’usine, mon fils »

Pour Gilles Crague, « le constat est sans appel. Depuis quarante ans, la France a tourné le dos à son industrie ». Dans l’esprit de beaucoup de Français, l’industrie est synonyme de travail peu qualifié, mal payé, dans un lieu excentré du centre-ville. « Depuis plusieurs années, les politiques publiques ont valorisé d’autres secteurs économiques comme le tertiaire, par exemple en incitant les jeunes à choisir des métiers hors de l’usine », décrit Gilles Crague. Mais « l’importance stratégique de ce secteur économique a sauté aux yeux de tous à la suite des pénuries apparues lors de la pandémie », constate-t-il.

Au-delà des pénuries et des désagréments qu’elles ont pu causer. La production industrielle représente une richesse économique.

Selon la Banque centrale, la part de production industrielle dans le produit intérieur brut (PIB) de la France en 2021 n’est que de 16,8 % alors qu’elle est de 26 % en Allemagne ou de 22,6 % en Italie. La désindustrialisation a été accompagnée de déficits commerciaux persistants. En 2021, le commerce extérieur français a dégringolé non loin des 100 milliards d’euros de déficit. « À ces chiffres, il faut ajouter un déficit écologique, car les importations émettent des gaz à effet de serre », ajoute Gilles Crague.

Le constat est partagé par tous. Il faut réindustrialiser la France. Mais comment faire ?

Intégrer l’usine dans la ville

Pour Gilles Crague, « l’usine de demain sera urbaine ». Il faut faire cohabiter industrie, logements et activité tertiaire. « L’industrie est un enjeu démocratique. Les métropoles sans usine ne fonctionnent pas », ajoute Christophe Chauvet. Or, un foncier urbain est rare et coûte cher. « En première couronne, il y a une baisse de 20 % du foncier économique alors que la main-d’œuvre est nombreuse dans cette zone », ajoute René Jeannenot.

Pourtant, intégrer une usine dans la ville n’est pas impossible. La modernisation de l’usine permet de la penser autrement. « Nous pouvons faire une usine belle architecturalement qui s’intègre dans l’espace urbain », déclarent unanimement les participants à la table ronde.

De même, la digitalisation des procédés de production permet d’imaginer de nouveaux modes de conception de la chaîne pour mieux s’intégrer à la ville et pour densifier les activités. Ainsi, « à Douai, Renault a pu compacter son activité sur deux étages. Une partie du foncier a été vendue à la collectivité qui aura la charge de dépolluer », précise Juliette Borie. C’est la fin de l’usine de plain-pied.

Mais, pour faire aboutir ce type de projet, il faut une volonté politique forte au niveau local. « L’industrie est souvent oubliée des plans locaux d’urbanisme [PLU]. Il faut engager un travail de concertation avec l’ensemble des parties prenantes sur ce point », estime Christophe Chauvet.

Faire face à l’injonction contradictoire du ZAN

Emmanuel Macron souhaite réindustrialiser en misant sur les innovations de rupture pour l’automobile, avec la généralisation du véhicule électrique, pour l’aéronautique en faveur de l’avion bas carbone, pour le spatial (mini-lanceurs) ou encore pour la production énergétique (hydrogène).

Mais si les volontés, les subventions et les déclarations politiques sont là, les professionnels doivent faire face à l’injonction contradictoire de l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN). « L’objectif du zéro artificialisation nette fixé pour 2050 complique les dossiers qui ne sont déjà pas simples », détaille Christophe Chauvet.

Cet objectif demande aux territoires, aux communes, aux départements et aux régions de réduire de 50 % le rythme d’artificialisation et de consommation des espaces naturels agricoles et forestiers par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020. « En première et seconde couronnes, il sera très difficile d’artificialiser, peu importe le projet et son intérêt pour le territoire », estime Fabien Guisseau.

Les friches, réservoir de foncier pour l’industrie ?

La réhabilitation des friches disponibles peut être une piste, mais une friche libérée d’une ancienne activité industrielle ou militaire n’est pas un terrain vierge. Elle implique une remise en état et le plus souvent une dépollution qui peut être lourde et coûteuse. « Il faut alors prévoir une aide financière pour les porteurs de projet et simplifier les procédures. D’autant plus qu’une friche peut ne pas correspondre aux projets de l’industriel qui doit alors le repenser », souligne René Jeannenot.

S’il y a une prise de conscience collective sur la nécessité de réindustrialiser la France, il y a encore de nombreux freins. Au-delà de la question immobilière, il faudra répondre à celle de la main-d’œuvre indispensable pour garantir la réindustrialisation de la France.

Les 12 propositions de l’ADI pour réindustrialiser la France

L’Association des directeurs immobiliers (ADI) a mené des ateliers réunissant les directeurs immobiliers de grandes entreprises, de PME et d’ETI ainsi que des experts pour formuler des propositions concrètes en faveur de la réindustrialisation. Celles-ci sont neutres pour les finances publiques.

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