Article de Laurent Duguet
21 septembre 2022
Entre un foncier rare, des règlements superposés et des délais à rallonge, les implantations d’usines sont parfois ralenties. Mais des solutions voient le jour.
Loin d’être le vœu pieux d’une relocalisation des activités parties à l’étranger, la réindustrialisation des territoires est un phénomène tangible. « Depuis 2017, non seulement nous assistons à une prise de conscience de l’intérêt de développer des activités industrielles en France, mais les créations sont supérieures aux fermetures », note Gwénaël Guillemot, directeur de l’Institut de la réindustrialisation. Pour Nathalie Thieulot, référence régionale industrie à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) Ile-de-France, « les projets émanent de start-up qui veulent maîtriser leurs process ou d’entreprises souhaitant réintégrer une activité de sous-traitance ou augmenter leurs capacités de production en déménageant ».
Avec 2,8 millions de salariés et 260 000 entreprises selon France Stratégie, l’industrie semble avoir le vent en poupe. « Après une période de recul, les entreprises du secteur souhaitent à nouveau pouvoir se développer dans des conditions favorables », confirme François Blouvac, responsable du programme Territoires d’industries à la Banque des territoires. Pour autant, de nombreux freins restent à lever.
Changer les mentalités. Parmi eux, le plus informel est aussi celui qui est le plus souvent cité : une représentation de l’industrie lourde, polluante et énergivore, qui effraie certains élus locaux et leurs populations. « Le mot “industrie” fait encore peur », constate Laurent Cappelletti, professeur titulaire de la chaire comptabilité et contrôle de gestion au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), qui a remis en 2022 au haut- commissaire au plan un rapport sur les « actions utiles » en matière de réindustrialisation durable des territoires. Et de poursuivre : « La France est engagée dans une réindustrialisation bas carbone alors qu’une partie de l’opinion publique, surtout dans les territoires où l’industrie est historiquement faible, pense immanquablement au charbonnage. C’est dommage quand l’on sait que les nouveaux projets étudiés intègrent au niveau du bâti les dernières innovations en matière d’économies d’énergie. » Sans aller jusqu’à l’industrie 4.0 (lire p. 11), « celle qui associe réalité virtuelle, outil de production robotisé et numérisation de l’outil industriel » comme le souligne Gwénaël Guillemot, les start-up ou PME innovantes qui cherchent à s’implanter ne relèvent pas, loin de là, des modèles du passé. « Non seulement, l’industrie n’est pas un vecteur de nuisances, mais elle offre la proximité d’une production sur notre sol, qui répond à une recherche d’autonomie nationale face à des difficultés d’approvisionnement ainsi qu’aux besoins de développement durable », estime Frédéric Goupil de Bouillé, président de l’Association des directeurs immobiliers (ADI), qui vient de publier un manifeste pour la réindustrialisation. « L’une de nos 12 propositions consiste à diviser la sous-destination industrie au sein du Code de l’urbanisme en deux. L’idée est d’éviter une approche monolithique, et de différencier les activités manufacturières peu polluantes et peu consommatrices de foncier de celles plus traditionnelles », ajoute-t-il. Parmi les propositions du rapport parlementaire du député (Renaissance) Guillaume Kasbarian figure la possibilité de « mobiliser le pouvoir de dérogation du préfet pour mieux tenir compte des circonstances locales de projets comme ceux ne faisant pas l’objet d’une étude d’impact environnemental ».