3 septembre 2014

La réversibilité des immeubles : conception durable et flexible pour des usages multiples

Métier/Fonction immobilière

Les débats actuels sur la crise du logement en France, interrogent sur le rôle et la responsabilité de l’ensemble des acteurs publics et privés, qui, par leur action directe ou indirecte, façonnent nos villes. Quel lien, me direz-vous avec l’ADI et les professionnels de l’immobilier dans les entreprises. L’entreprise, par sa stratégie immobilière et sa politique d’implantation, n’est-elle pas un de ces acteurs ? N’en déplaise ; à l’ADI, nous sommes convaincus que si…Démonstration !

Le débat sur la transformation des bureaux en logements pose, dans les faits, la question aux directeurs immobiliers de la réversibilité des immeubles. Forte de l’expérience réussie de la conversion des immeubles haussmanniens en bureaux, l’idée de réaliser l’opération dans l’autre sens parait séduisante. L’évolution observée de l’organisation des espaces et lieux de travail, poussée par les modes de vie et de consommation de la fameuse génération Y et des suivantes, pourrait d’ailleurs plaider aussi dans ce sens : la flexibilité devient la règle dans tous les projets immobiliers que nous menons. Nul besoin pour s’en convaincre de rappeler le développement des dispositions des entreprises permettant le télétravail, l’engouement pour les espaces de co-working, les initiatives de partage des espaces de travail et autres modes révolutionnant les habitudes traditionnelles. Ainsi, sans présager d’une disparition de l’immeuble de bureaux de nos paysages urbains, il est toutefois raisonnable de penser qu’il est en train de connaître – et le phénomène va s’accroître – une véritable mutation dans son usage.

La mutation de l’usage pose aujourd’hui de réels défis techniques et économiques. En effet, pour être, par exemple, transformé en logements, un immeuble doit avoir une épaisseur telle qu’on puisse offrir de la lumière dans chaque pièce à des conditions économiques acceptables. Ce sont là des contraintes difficiles à surmonter et le cadre réglementaire actuel rend encore ces transformations trop onéreuses à ce jour.

Par ailleurs, au-delà de la capacité opérationnelle d’un immeuble à changer de destination, c’est la capacité des acteurs à se projeter dans la ville de demain qu’il faut interroger. Du côté de l’ensemble des professionnels de l’immobilier, le concept de la réversibilité doit être pensé au-delà de sa dimension technique. Un immeuble réversible est un immeuble conçu, dès sa construction, avec une posture de souplesse et de responsabilité vis-à-vis d’un futur imprévisible et mouvant. A moins de penser l’immeuble comme jetable, l’immeuble doit être construit comme mutable avec une destination évolutive. C’est une question centrale qui doit interpeller tous les prescripteurs que sont les collectivités locales, les propriétaires, les architectes, mais aussi les utilisateurs. En cela, notre approche doit évoluer, si nous voulons que la ville soit en phase avec les besoins et les attentes de ses usagers-résidents. Inspirée par la sociologie, la mutabilité devient donc, pour notre profession, un enjeu primordial, comme son pendant : la reconversion des friches industrielles, tertiaires ou urbaines*. Et si les futurs labels et certifications de qualité intègrent cette notion, ils aideront alors l’ensemble de l’industrie immobilière à évoluer dans ce sens.

Le directeur immobilier, acteur de la construction de la ville durable

Plus largement, le débat sur la réversibilité questionne, à mon sens, la responsabilité conjointe des différents acteurs de la construction de la cité. Le directeur immobilier en est une figure à part entière. Au sein de l’entreprise, les directions immobilières, nous l’avons vu dans une précédente étude diligentée par l’ADI**, sont devenues de plus en plus transverses, de plus en plus polyvalentes, et surtout le lieu de dialogue avec toutes les business units, la DAF et la DRH. A ce titre, le directeur immobilier porte une vision stratégique de l’immobilier. Elle devient un levier de création de valeurs – oui au pluriel – pour l’entreprise, bien sûr, mais aussi pour le territoire dans lequel elle s’inscrit parce qu’elle met en avant certes la valorisation financière des actifs, mais aussi les valeurs sociales et sociétales de l’entreprise sur un territoire donné.

De ce postulat, penser l’immobilier différemment et au-delà du bâti contribue à faire évoluer les mentalités. Avoir un regard constructif, ouvert sur le territoire, permet de le vivre comme ce qu’il est réellement, à savoir un espace concentrant des projets interdépendants mettant en jeu un système d’acteurs interconnectés. Il serait vain, là encore, de penser que la problématique de l’immobilier (qu’elle soit pour le particulier ou l’entreprise) peut être isolée des autres et traitée par un seul acteur. Le cas de Paris est probant. Paris, parce que nous en avons une vision restrictive qui se limite aux bornes du périphérique, est une ville deux fois plus dense que Londres et cinq fois plus dense que Berlin. Une ville vers laquelle convergent tous les transports rendant très peu connectés entre eux les territoires connexes à la capitale. N’est-ce pas de là que naît, en partie, la problématique du foncier ?

Quand les entreprises, en lien avec les décideurs publics locaux, choisissent de s’implanter sur des territoires émergents en périphérie, elles participent à la réflexion sur l’avenir de la cité. Mais cela ne suffit pas à résoudre tous les soubassements qui fondent les politiques de l’aménagement d’un territoire. Éminemment complexes, ces questions relèvent d’un dialogue construit entre acteurs publics et privés dans un cadre rénové. Le directeur immobilier a pleine conscience aujourd’hui de cette nécessité et porte cette vision à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise. Mais pour lui permettre de la développer, les règles qui régissent l’immobilier doivent être simplifiées et concertées. C’est la mère de toutes les réformes à opérer si on veut construire, en responsabilité, une ville résiliente, mixte et durable.

 

* C’est tout le sens de la démarche que l’ADI a engagée sur la reconversion des friches qui aboutira en juin prochain avec la publication d’un livre blanc dédié Cf. la chronique parue dans ces mêmes colonnes au mois de mars 2014

** retrouvez l’intégralité de l’étude L’Immobilier dans l’entreprise : des métiers créateurs de valeur – parution de l’ADI – Réflexion, juillet 2014.

Retrouvez l’intégralité de la chronique sur le site immoweek 

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