15 avril 2021

IEIF // Réflexions Immobilières – Interview Gilles Allard

Lu dans la presse, Métier/Fonction immobilière

Gilles Allard, Président de l’ADI a répondu à trois questions dans le cadre d’une interview pour l’IEIF :

1.Depuis l’apparition de la crise sanitaire et économique, l’adoption massive du télétravail dans le secteur tertiaire semble avoir changé durablement les pratiques professionnelles et l’organisation du travail. Quelles en seront les conséquences sur les besoins immobiliers des utilisateurs ?
“Une part de télétravail paraît acquise pour l’avenir. Il y a toujours des choix plus forts voire plus extrêmes, dans un sens comme dans l’autre, mais un mouvement majoritaire, sinon un consensus, se dessine autour d’un ou, plus souvent, deux jours de télétravail par semaine pour les activités tertiaires. D’un autre côté, tout le monde ne peut pas télétravailler dans de bonnes conditions, et le télétravail à forte dose a montré ses limites en matière de lien social, de collaboration et de créativité. Par ailleurs, des pans entiers d’activités ne permettent pas le télétravail, et les entreprises sont attentives à ne pas créer des situations à deux vitesses parmi les salariés, pour la cohésion des équipes et pour un même sentiment d’appartenance à l’entreprise. En tout cas, un des enjeux majeurs des entreprises est bien de faire revenir les équipes au bureau et même de recréer l’envie d’y travailler. Venir au bureau doit avoir un sens : la part de travail collectif, collaboratif, créatif sera plus importante qu’avant. Il faut probablement anticiper une proportion d’espaces collaboratifs plus élevée qu’auparavant, au détriment des postes de travail individuel, et l’extension de services et des usages pour une meilleure expérience des collaborateurs, tout en restant dans une équation économique raisonnable. C’est ce que nous avons mesuré à l’ADI, par une enquête auprès des directeurs immobiliers, en partenariat avec Deloitte, qui indique que leurs préoccupations pour les deux années à venir sont bien l’optimisation des surfaces, la réduction des coûts et, fort heureusement, l’amélioration de l’expérience des collaborateurs. De ces considérations croisées, on peut en déduire que les besoins immobiliers des entreprises vont probablement évoluer à la baisse, au moins à court terme, sans que toutefois on puisse être affirmatif sur le pourcentage de réduction des surfaces dans un temps immobilier qui reste un temps long.”

2.Malgré la diversité sectorielle des membres de l’ADI, quelles sont les principales inflexions à attendre en termes de stratégies immobilières ?
“Il est communément partagé que la crise est plus un accélérateur de tendances que l’origine propre de ces tendances. La crise
sanitaire est aussi une crise économique. Les directions immobilières des entreprises sont prioritairement soumises, dans la plupart des secteurs, à une forte pression de leurs directions générales et de leurs directions financières pour réduire plus encore les coûts, l’immobilier étant le deuxième ou le troisième poste des frais généraux selon les entreprises. Dans ces conditions, les réflexions sur l’agilité et la flexibilité du portefeuille immobilier sont très prégnantes. Au-delà des actions de court terme, par exemple la renégociation de baux ou les recherches de sous-locataires, les utilisateurs souhaitent trouver les formes de collaboration durables avec les bailleurs pour inventer des solutions hybrides et flexibles : mix bail classique et contrat de prestations de services pour gérer de façon plus souple les engagements immobiliers ; offre de coworking ou de corpoworking répartie sur le territoire, etc. Le tout selon des modèles économiques soutenables pour chacune des parties prenantes, ce qui nécessite encore du travail. Par ailleurs, si l’extension du télétravail fait consensus, les préoccupations sanitaires reviennent aussi au-devant de la scène, et l’attente des salariés sur les questions de confort, de santé et de sécurité est très forte. Là aussi, la crise est un accélérateur de tendances. L’importance de la qualité de l’air, de la présence du végétal, de l’accès à l’air libre et même de l’ouverture sur la ville et ses services dans des conditions de sécurité sont de plus en plus au cœur de nombreux projets immobiliers. Ces derniers éléments traduisent enfin une montée en puissance des enjeux de RSE, en particulier de réduction de l’empreinte carbone de nos modes de travail, c’est-à-dire de l’immobilier mais aussi des transports – trajets domicile/travail et voyages professionnels – ou encore des technologies de l’information (IT).”

3.Quels sont, selon vous, les points de vigilance à intégrer dans ce contexte de transition ?
“Il faut se garder d’une approche trop arithmétique qui conduirait à réduire les surfaces à due proportion de la part de télétravail, sous le seul prisme de la réduction des coûts. Les questions de sens, de lien social, d’attractivité et de sentiment d’appartenance par le bureau au sens large doivent rester au cœur des transformations. La traduction immobilière et, en particulier, la conception de l’environnement de travail et des espaces collaboratifs doivent être pensées et coconstruites au sein de l’entreprise. Elles doivent refléter sa stratégie, son projet et ses valeurs. À ce titre, la transversalité qui se développe aujourd’hui entre le directeur immobilier, le DRH, le CTO et le management de premier niveau est primordiale. En matière de technologie et de digital, la crise a permis de tester à grande échelle la robustesse des infrastructures et des outils IT. Il y a dix ou quinze ans, sans la technologie dont nous disposons aujourd’hui, nous aurions vécu différemment cette crise. Réciproquement, pour l’avenir, un sujet sans doute sous-estimé actuellement est celui de la connectivité, voire de l’hyperconnectivité, dans le choix des implantations. Il s’agit de garantir le bon fonctionnement d’applications, mêmes courantes, qui nécessiteront de plus en plus de débit et de bande passante, et donc une certaine proximité avec les grands hubs des infrastructures IT. En collaboration avec Provence Promotion et EuroMed, l’ADI publiera, courant 2021, une étude sur le lieu de travail du futur, et cette question est un des points analysés sur lequel nous mettons particulièrement l’accent. Mais gardons en tête que tout cela n’est que le début d’un mouvement. Pour rester sur ce volet technologie et digital, il y a certainement encore beaucoup de travail à mener pour mesurer et optimiser les usages, avec un gisement considérable de données collectées ou à collecter, avec des solutions techniques et des services dont la maturité ne cesse de s’améliorer.”

Partagez !

Partagez cet article.